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XXX

LE BONHEUR DE NAÎTRE PAUVRE

Dans la suite de mes années, la parole d’Hérodote que me cita M. Dubois m’est revenue bien souvent à l’esprit : « Sache que la pauvreté est l’amie fidèle de la Grèce. La vertu l’accompagne, fille de la sagesse et du bon gouvernement. » Je remercie la destinée de m’avoir fait naître pauvre. La pauvreté me fut une amie bienfaisante ; elle m’enseigna le véritable prix des biens utiles à la vie, que je n’aurais pas connu sans elle ; en m’évitant le poids du luxe, elle me voua à l’art et à la beauté. Elle me garda sage et courageux. La pauvreté est l’ange de Jacob : elle oblige ceux qu’elle aime à lutter dans l’ombre avec elle et