Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et me permît de la consoler, mais je ne l’espérais pas. Je savais bien qu’elle ne me dirait point son mal, parce qu’il est embarrassant de parler de ces choses à un garçon, et aussi parce qu’elle me jugeait incapable de rien comprendre ; son opinion était faite à mon égard. Je la plaignais en silence.

Un matin, elle resta très longtemps, plus d’une heure, seule avec ma mère, dans la chambre aux boutons de rose. Je l’en vis sortir en larmes mais avec un air rasséréné, et je ne doutai pas, alors, qu’elle n’eût confié son chagrin à sa maîtresse et qu’elle n’en eût reçu des consolations. Ne craignant plus d’être indiscret, je dis à ma mère :

— Justine a été abandonnée par son fiancé. C’est bien triste.

Ma mère me regarda avec surprise.

— Elle te l’a dit ?

— Non, maman, mais je le sais.

Et je lui expliquai comment j’avais surpris, par la seule finesse de mon esprit, le secret de Justine et n’en avais rien révélé par discrétion.

— C’est fort bien d’être discret, me répondit ma chère maman, mais tu l’aurais été davan-