Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/58

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jaune, attelé de percherons pommelés, roulait avec fracas sur le pavé bossu. L’enceinte de la ville n’était pas encore élargie jusqu’aux fortifications ; Paris n’était pas encore la ville unique au monde ; un grand préfet commençait seulement ces larges percées par lesquelles entrèrent abondamment la monotonie, la médiocrité, la laideur et l’ennui. Je croirais volontiers, à considérer seulement les quartiers du centre, que, depuis la régence d’Anne d’Autriche jusque vers le milieu du second empire, en deux siècles, Paris, qui cependant vit tant de révolutions, a moins changé que dans les soixante années qui nous séparent du temps que je m’amuse à rappeler ici.

Moi qui vous parle, j’ai connu, peu s’en faut, les bruits et les embarras de Paris, tels que Boileau les décrivait, vers 1660, dans son grenier du Palais. J’ai entendu comme lui le chant du coq déchirer, en pleine ville, l’aube matinale. J’ai senti dans le faubourg Saint-germain une odeur d’étable ; j’ai vu des quartiers qui gardaient un air agreste et les charmes du passé. Et ce serait une erreur de croire qu’un enfant de douze ans ne sentait pas l’agrément de sa ville. Il le respirait avec l’air natal