Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/64

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comme d’ordinaire. Il était surpris, mais non contrarié, qu’on le laissât si longtemps seul contre la coutume. Il me parla avec exaltation des victoires de Crimée. Il avait vu, d’une fenêtre de la place Vendôme, passer les troupes revenues d’Orient, et portant leurs habits de campagne usés et troués. Les blessés marchaient à la tête des régiments ; les femmes leur jetaient des fleurs ; on acclamait les drapeaux et les aigles. Le souvenir seul lui en donnait des battements de cœur. Il me décrivit, comme s’il y avait assisté lui-même, les dîners et les bals des Tuileries, auxquels était souvent invitée sa cousine Claire, qui avait épousé un écuyer de l’impératrice. Les spectacles, les expositions, les fêtes excitaient étrangement sa curiosité.

Il eût bien voulu assister à l’assaut d’armes donné dans la salle Saint-Barthélemy par Grisier et Gâtechair. Il se promettait de fréquenter assidûment, dès qu’il en aurait l’âge, la Comédie-Française, le Théâtre Lyrique et l’Opéra. En attendant, il savait par son oncle Gérard tout ce qui se passait dans ces trois grands théâtres, et il lisait les feuilletons dramatiques. Il m’apprit que Madame Miolan-Carvalho avait fait, au Théâtre Lyrique, des