Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/67

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Après un court silence il me demanda si je n’aimerais pas être officier de marine ?

— C’est ce que j’aurais voulu être, ajouta-t-il en promenant au loin un regard rêveur.

Une vieille dame en robe feuille morte à volants, que gonflait une crinoline majestueuse, s’approcha de nous.

— Ma grand’mère, murmura-t-il.

Elle s’assit près de lui, tira ses gants, lui prit les mains, lui tâta les joues.

— Cyrille, tu as les mains chaudes, le front moite, je suis sûre que tu t’es fatigué à parler.

Et, baissant la voix, mais non pas assez pour que je n’entendisse pas :

— Cyrille, il ne faut pas causer avec un enfant que tu ne connais pas ; surtout quand il n’est pas accompagné.

Je me sentais déjà l’ami de Cyrille. Aussi me fut-il cruel de me voir écarté de lui avec ce dédain. Il ne m’échappa point qu’il se taisait et évitait de regarder de mon côté. Je me levai, m’éloignai, le cœur serré, sans tourner la tête.

Après avoir cheminé assez longtemps en songeant à Cyrille et en regrettant cette amitié si vite formée et si tôt perdue, je vis, assis dans l’herbe au bord d’un sentier désert, une grande