Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/168

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l’enfant retourna à Vannes, et après cinq années consumées sur les institutions de Quintilien et les vies de Plutarque il dut reprendre le chemin de la chapelle de Kerlen, où maître Claude allait rejoindre sa femme.

Il paraît que le défunt laissait quelques biens à son fils unique. Mais l’administration de ces biens fut remise à Gabriel Le Sage, frère de feu Claude, qui ruina son pupille.

L’orphelin vint à Paris vers 1690 pour suivre, à l’Université, les cours de droit et de philosophie. Nous le perdons dans la grande ville. On peut croire qu’il ne s’occupa pas que du Praticien français et des règles du syllogisme. Il avait l’esprit alerte, le corps dispos, la mine aimable. On dit qu’une dame de qualité s’aperçut de tout cela. On parle de galanteries ; mais en somme on ne sait rien de ses fredaines d’écolier. S’il les avait contées, elles seraient dans toutes les mémoires, et quelques jolies figures de pécheresses, bien simples et pourtant immortelles, sortirtaient pour nous d’un vieux livre à tranches rouges. Mais les hommes qui, comme Le Sage, s’oublient sans cesse, n’écrivent point leurs confessions. Il y a bien de l’orgueil à s’humilier publiquement.

D’ailleurs, il en finit de bonne heure avec les aventures de jardins publics. Un amour sérieux le prit pour le garder pendant toute sa vie.

Tandis qu’il demeurait dans cette rue du Vieux-Colombier où La Fontaine, Chapelle et Racine se réunissaient chez Boileau pour rire ensemble des sots, c’est-à-dire de leurs ennemis, Le Sage, âgé alors de vingt-sept ans, faisait de fréquentes visites chez