Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/53

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Il écrivit à son ami Sarrazin la lettre que voici :

« Mon chien de destin m’emmène dans un mois aux Indes occidentales. Je me suis mis pour mille écus dans la nouvelle compagnie, qui va faire une colonie à trois degrés de la ligne, sur les bords de L’Orillane et de l’Orénoque. Adieu, France ! adieu, Paris ! adieu, tigresses déguisées en anges ! adieu, Ménage, Sarrazin, Maigny ! Je renonce aux vers burlesques, aux romans comiques et aux comédies, pour aller dans un pays où il n’y aura ni faux béats, ni filous de dévotion, ni inquisition, ni hiver qui m’as-¦ sassine, ni fluxion qui m’estropie, ni guerre qui me fasse mourir de faim. »

La bonne Céleste Palaiseau était du voyage. Mais Scarron n’avait pas dessein de l’épouser dans le nouveau monde. Le traître, comme nous Talions voir, avait d’autres projets.

Ninon, la grande Ninon devait partir avec eux. C’est la pure vérité. Un premier embarquement eut lieu en 1652 à la mi-mai. Mais ni Scarron, ni Ninon, ni même Céleste Palaiseau, ne furent des passagers.

Environ ce temps, comme je l’ai dit, la filleule de Mme  de Neuillant, Francine d’Aubigné, revenue nouvellement d’Amérique avec sa mère, demeurait vis-à-I vis la maison de Scarron. Mme de Neuillant, qui allait chez Scarron, y conduisit la jeune Francine, qui se mit à pleurer en entrant, parce qu’elle avait une robe trop courte et qu’elle ne savait ni que dire ni que faire devant un poète à la mode. Scarron examina cette jeune fille en connaisseur ; il vit qu’elle était jolie, qu’elle avait de l’esprit, du jugement, une bonne