Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/58

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Bacchanale et une Exaltation de saint Paul qu’à sa prière son ami Nicolas Poussin lui avait envoyés de Rome. Mais ce peintre goûtait mal le burlesque et faisait décidément peu de cas d’un génie trop peu noble. Scarron possédait aussi un portrait de sa femme, que Mignard, son voisin de la rue des Tournelles, venait de peindre sur place.

Scarron devait à sa paralysie de tenir un salon, ce qui n’était pas alors le fait d’un homme de lettres. Pendant que Julie d’Angennes réunissait les précieuses et les beaux esprits dans le salon bleu de la rue Saint-Thomas-du-Louvre, Paul Scarron tenait bureau d’esprit et réunissait dans sa chambre une société fort mêlée, mais où ne manquaient ni les belles dames, ni les hommes de mérite. Des carrosses dorés s’arrêtaient devant la maison Bussine. C’était Vivonne, du Lude, Grammont, Mortemart, Coligny, Riney, d’Elbène, Villarceaux, qui venaient voir un homme rare. Leur hôte n’était pas flatté plus que de raison de tant d’honneur. « Ces grands seigneurs, disait-il, viennent me voir comme on allait voir l’éléphant et passent Paprès-dîner dans ma chambre quand ils n’ont rien à faire. » Les gens de lettres venaient à pied. Tantôt c’était Faret avec Saint-Amant ; ils venaient de l’Épée-royale et ils allaient à la Fosse-aux-lions ; tantôt d’Harcourt, gentilhomme frotté de poésie et enrôlé dans la compagnie des goinfres. Un jour entrait Saint-Pavin, qui faisait de son abbaye de Sivry une abbaye de Thélème ; un autre jour, le grand prieur Jacques de Souvré, qui dînait bien et soupait mieux. Ils étaient là cinq, six, qui, n’ayant qu’une