Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/96

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près ces fables qu’ils ont appris à balbutier sur les genoux de leur mère. Ils ne pourront les relire sans y faire de précieuses découvertes, car ces petits poèmes si fins et si forts sont pleins de choses. Je voudrais aussi que ces quelques remarques pussent accroître dans quelques intelligences d’élite l’amour de notre langue natale. Elle a plusieurs fois changé, mais elle n’a fait que changer de beauté. Au xm* siècle, le Florentin Brunetto Latini l’adopta comme « la plus délectable » de toutes. En 1396, un grammairien anglais ne savait assez admirer « le doulz françois qui est, dit-il, la plus bêle et la plus gracious langage e plus noble parler (après latin d’escole) qui soit au monde et de tous gens mieux prisée et amée que nul autre ». Elle a beaucoup gagné depuis lors en force et en étendue. Chaque génération l’a enrichie de vocables qui témoignent à jamais des pensées, des passions, des joies, des souffrances, de tous les efforts de tant de millions d’hommes. Elle est venue à nous ainsi accrue, de siècle en siècle, à grand prix et à grand’peine, et ce patriotique héritage est cher à toutes les âmes qui gardent à la France un amour que l’intelligence agrandit et décore.