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Jean Poquelin comptait bien que ce fils deviendrait tapissier : ce devait être le prince des poètes comiques.

En l’an 1631, le frère cadet de Jean Poquelin, Nicolas Poquelin, tapissier ordinaire de la maison du roi, se démit de son office au profit de son aîné[1]. Les tapissiers du roi n’étaient que huit en charge et servaient deux à deux par quartier. Leur service était d’aider tous les jours les valets de chambre à faire le lit du roi ; ils avaient en garde, pendant leur quartier, les meubles de campagne dans les châteaux où séjournait la cour, et ils faisaient les meubles de Sa Majesté. Ils étaient de plus préposés à la tenture des maisons sur le passage des processions. Ils recevaient trois cents livres de gages, plus trente-sept livres dix sols de récompense[2]. C’était donc une charge honorable et lucrative. Jean Poquelin prit soin d’en assurer la survivance à son fils aîné.

Ce Jean Poquelin fit à sa femme, en moins de onze ans, six enfants, dont deux moururent en bas âge. La maison était bien pourvue de linge et d’argenterie, abondante en meubles recouverts de tapisserie. Marie Cressé portait des cotillons en gros de Naples, en ratine de Florence ou en moire. Elle se parait de bijoux fort beaux, bracelets, colliers, pendants d’oreilles en perles fines, chaînes d’or, deux montres, l’une en or émaillé, l’autre en argent ciselé, quatorze bagues ornées de diamants, d’émeraudes et



  1. Recherches sur Molière, document II, pp. 146 et 147.
  2. A. Bazin, Notes historiques sur la vie de Molière, p. 7.