Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/132

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pour l’esprit. Le passant qui sait voir en emporte toujours quelque idée, comme l’oiseau s’envole avec une paille pour son nid.

Puisqu’il y a là des arbres avec des livres, et que des femmes y passent, c’est le plus beau lieu du monde.

Au temps de mon enfance, bien plus encore qu’à présent, ce marché de la curiosité était abondamment fourni de meubles anciens, d’estampes anciennes, de vieux tableaux et de vieux livres, de crédences sculptées, de potiches à fleurs, d’émaux, de faïences décorées, d’orfrois, d’étoffes brochées, de tapisseries à personnages, de livres à figures et d’éditions princeps reliées en maroquin. Ces aimables choses s’offraient à des amateurs délicats et savants auxquels les agents de change et les actrices ne les disputaient point encore. Elles étaient déjà familières à Fontanet et à moi, quand nous avions encore des grands cols brodés, des culottes courtes et les mollets nus.

Fontanet demeurait au coin de la rue Bonaparte, où son père avait son cabinet d’avocat. L’appartement de mes parents touchait à une des ailes de l’hôtel de Chimay. Nous étions,