Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/139

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murmura : « Il est bien jeune ! » Et cela était dit d’un certain ton.

Je commençais à ne plus le craindre quand je me vis contraint de l’admirer. Cela arriva pendant que je récitais ma leçon, qui consistait en des vers de l’abbé Gauthier, sur les premiers rois de France.

Je disais chaque vers tout d’une haleine et comme s’il eût été fait d’un mot unique :

Pharamondfutdit-onlepremierdecesrois
QuelesFrancsdanslaGauleontmissurlepavois
ClodionprendCambraipuisrègneMérovée…

Là, je m’arrêtai court et répétai : Mérovée, Mérovée, Mérovée. Cette rime, mêlant l’utile à l’agréable, me rappela que, lorsque régna Mérovée, Lutèce fut préservée… Mais de quoi ? Il m’était bien impossible de le dire, l’ayant complètement oublié. La chose, je l’avoue, m’avait peu frappé. J’avais l’idée que Lutèce était une vieille dame. J’étais content qu’elle eût été préservée, mais ses affaires m’intéressaient en somme extrêmement peu. Malheureusement, M. l’abbé Jubal semblait tenir beaucoup à ce que je dise de quel dommage