Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/150

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vives inquiétudes sur le salut de mon âme. Je la remplissais de sable ; je la jetais dans les arbres, d’où il fallait l’abattre à coups de pierres comme un fruit avant sa maturité ; j’en faisais un chiffon pour effacer les figures à la craie sur le tableau noir ; je la jetais par un soupirail dans des caves inaccessibles, et, lorsqu’au sortir de la classe l’ingénieux Fontanet parvenait à la retrouver, ce n’était plus qu’un lambeau sordide.

Mais une fée veillait sur sa destinée, car elle reparaissait le lendemain matin sur la tête de Fontanet avec l’aspect imprévu d’une casquette propre, honnête, presque élégante. Et cela tous les jours. Cette fée était la sœur aînée de Fontanet. À ce seul trait, on peut l’estimer bonne ménagère.

Plus d’une fois, tandis que je m’agenouillais au pied du sacré tribunal, la casquette de Fontanet plongeait, de mon fait, au fond du bassin de la cour d’honneur. Il y avait alors dans ma situation quelque chose de délicat.

Et quel sentiment m’animait contre cette casquette ? La vengeance.

Fontanet me persécutait, à cause d’une gibe-