Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/238

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de la terre. Ceux qui sont aimés ne devraient pas mourir.

Quand elle eut déshabillé André :

— Allons, lui dit-elle, fais ta prière.

Il murmura :

— Maman, je t’aime.

Et, sur cette dévotion, laissant tomber sa tête et fermant les deux poings, il s’endormit en paix.

À son réveil, il découvrit la basse-cour. Surpris, émerveillé, enchanté, il vit les poules, la vache, le vieux cheval borgne et le cochon. Le cochon surtout le ravit. Et le charme dura des jours et des jours. Quand c’était l’heure du repas, on parvenait à grand-peine à le ramener, couvert de paille et de fumier, avec des toiles d’araignée dans les cheveux et du purin dans les bottines, les mains noires, les genoux écorchés, les joues roses, riant, heureux.

— Ne m’approche pas, petit monstre ! lui criait sa mère.

Et c’étaient des embrassements sans fin.

Assis devant la table, sur le bord de la bancelle, et mordant un énorme pilon de volaille, il avait l’air d’un petit Hercule dévorant sa massue.