Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/53

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Ma marraine ! je ne l’avais pas encore vue ; je ne la connaissais pas du tout. Je ne savais même pas qu’elle existât. Mais je savais très bien ce que c’est qu’une marraine : je l’avais lu dans les contes et vu dans les images ; je savais qu’une marraine est une fée.

Je me laissai peigner et savonner tant qu’il plut à ma chère maman. Je songeais à ma marraine avec une extrême curiosité de la connaître. Mais, bien que grand questionneur d’ordinaire, je ne demandai rien de tout ce que je brûlais de savoir.

— Pourquoi ?

— Vous me demandez pourquoi ? Ah ! c’est que je n’osais ; c’est que les fées, telles que je les comprenais, voulaient le silence et le mystère ; c’est qu’il est dans les sentiments un vague si précieux, que l’âme la plus neuve en ce monde est, par instinct, jalouse de le garder ; c’est qu’il existe, pour l’enfant comme pour l’homme, des choses ineffables, c’est que, sans l’avoir connue, j’aimais ma marraine.

Je vais bien vous surprendre, mais la vérité a parfois heureusement quelque chose d’imprévu, qui la rend supportable… Ma marraine