Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/80

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court, varié, en images, ainsi qu’un conte d’enfant. Il était naturellement puéril, et m’amusait sans s’efforcer en rien. Grand ami de mes parents et voyant en moi un petit garçon intelligent et tranquille, il m’encourageait à l’aller voir dans sa maison, où il n’était guère visité que par les rats.

C’était une vieille maison, bâtie de côté sur une rue étroite et monstrueuse qui mène au Jardin des Plantes, et où je pense qu’alors tous les fabricants de bouchons et tous les tonneliers de Paris étaient réunis. On y sentait une odeur de bouc et de futailles que je n’oublierai de ma vie. On traversait, conduit par Nanon, la vieille servante, un petit jardin de curé ; on montait le perron et l’on entrait dans le logis le plus extraordinaire. Des momies rangées tout le long de l’antichambre vous faisaient accueil ; une d’elles était renfermée dans sa gaine dorée, d’autres n’avaient plus que des linges noircis autour de leurs corps desséchés ; une enfin, dégagée de ses bandelettes, regardait avec des yeux d’émail et montrait ses dents blanches. L’escalier n’était pas moins effrayant : des chaînes, des carcans, des