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parler des rêves du matin, qui laissent au réveil une impression si vive et parfois si pénible, et qui ne sont pas étrangers à la chair. Mais Dechartre n’avait cité ces vers que dans le ravissement de l’aube d’or qu’il avait vue ce matin sur les collines blondes. Il s’était depuis longtemps inquiété des images formées pendant le sommeil, et il croyait que ces images ne se rapportent pas à l’objet qui nous occupe le plus, mais au contraire à des idées délaissées pendant le jour.

Alors Thérèse se rappela son rêve du matin, le chasseur perdu dans l’allée profonde.

— Oui, disait Dechartre, ce que nous voyons la nuit, ce sont les restes malheureux de ce que nous avons négligé dans la veille. Le rêve est souvent la revanche des choses qu’on méprise ou le reproche des êtres abandonnés. De là son imprévu et parfois sa tristesse.

Elle resta un moment songeuse et dit :

— C’est peut-être vrai.

Puis, vivement, elle demanda à Choulette s’il avait achevé le portrait de la Misère à la pomme de sa canne. Cette misère était devenue une Pietà, et Choulette y reconnaissait la Vierge. Il avait même composé un quatrain pour l’écrire dessous en spirale, un quatrain didactique et moral. Il ne voulait plus écrire que dans le style