Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/191

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sur le plateau d’argent destiné à recevoir les papiers pour la poste. Se méfiant des yeux fureteurs de Madame Marmet, elle glissa dans sa poche la lettre à Le Ménil, comptant sur le hasard des promenades pour la couler dans une boîte.

Presque aussitôt, Dechartre vint prendre les trois amies pour les accompagner dans la ville. Comme il attendait un moment dans l’antichambre, il vit les lettres sur le plateau.

Sans croire en aucune manière à la divination des âmes par l’écriture, il était sensible à la forme des lettres comme à une sorte de dessin qui peut avoir aussi son élégance. L’écriture de Thérèse le charmait pour le souvenir d’elle et comme une fraîche relique, et il en goûtait aussi la franchise mordante, le tour hardi et simple. Il contempla les adresses sans les lire, avec une admiration sensuelle.

Ils visitèrent, ce matin-là, Sainte-Marie-Nouvelle, où la comtesse Martin était déjà allée avec madame Marmet. Mais miss Bell leur avait fait honte de n’avoir pas vu la belle Ginevra de’ Benci, sur une fresque du chœur. « Il fallait, disait Vivian, visiter dans la lumière du matin cette figure matinale. » Tandis que la poétesse et Thérèse causaient ensemble, Dechartre, attaché à madame Marmet, écoutait avec patience