Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/193

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l’ami de Socrate. J’ai toujours trouvé que M. Choulette ressemblait à Socrate.

Thérèse demanda au cordonnier de dire son nom, son histoire. Il se nommait Serafino Stoppini, natif de Stia. Il était vieux. Il avait eu des peines dans sa vie.

Il souleva ses lunettes sur son front, découvrant des yeux bleus, très doux et presque éteints sous leurs paupières rouges :

— J’ai eu une femme, des enfants, je n’en ai plus. J’ai su des choses que je ne sais plus.

Miss Bell et madame Marmet s’en étaient allées à la recherche d’une voilette.

« Il n’a au monde, songea Thérèse, que ses outils, une poignée de clous, le baquet où il trempe ses cuirs et un pot de basilic, et il est heureux. »

Elle lui dit :

— Cette plante sent bon et elle fleurira bientôt.

Il répondit :

— Si la pauvre petite fleurit, elle mourra.

Thérèse, en le quittant, laissa sur la table une pièce de monnaie.

Dechartre était près d’elle. Gravement, presque sévèrement, il lui dit :

— Vous le saviez ?…

Elle le regarda et attendit.