Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/206

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Mais, par le son tranquille de sa voix et par le mouvement égal de ses pas sur les dalles, elle l’irritait. Il lui cria ce qu’il souffrait, le désir brûlant qu’il avait d’elle, la torture de l’idée fixe, comment partout, à toute heure, la nuit, le jour, il la voyait, l’appelait, lui tendait les bras. Il la connaissait maintenant, la maladie divine.

— La grâce de votre pensée, votre courage élégant, votre fierté spirituelle, je les respire comme les parfums de votre chair. Il me semble, quand vous parlez, que votre âme flotte sur vos lèvres, et je me meurs de ne pouvoir y appuyer ma bouche. Votre âme n’est pour moi que l’odeur de votre beauté. J’avais gardé les instincts des hommes primitifs, vous les avez réveillés. Et je sens que je vous aime avec une simplicité sauvage.

Elle le regarda doucement et ne répondit rien. À ce moment, ils virent, dans la nuit tombée, rouler de loin vers eux des lumières et des chants lugubres. Et puis, comme des fantômes chassés par le vent, apparurent les pénitents noirs. Le crucifix courait devant eux. C’étaient les Frères de la Miséricorde, qui, sous la cagoule, tenant des torches et chantant des psaumes, portaient un mort au cimetière. Selon la coutume italienne, le cortège allait de nuit, d’un pas rapide. Les croix, le cercueil, les ban-