Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/215

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l’holocauste. Les prostituées sont plus près de Dieu que les femmes honnêtes : elles ont perdu la superbe et dépouillé l’orgueil. Elles ne se glorifient pas du néant dont la matrone s’honore. Elles possèdent l’humilité, qui est la pierre angulaire des vertus agréables au ciel. Il leur suffira d’un court repentir pour y être les premières, car leurs péchés, sans malice et sans joie, portent en eux le rachat et le pardon. Leurs fautes, qui sont des douleurs, participent des mérites attachés à la douleur. Asservies à l’amour brutal, elles se sont privées de toute volupté, et elles approchent par là des hommes qui se sont faits eunuques en vue du royaume de Dieu. Elles sont comme nous des coupables, mais la honte coule sur leur crime comme un baume, la souffrance le purifie comme un charbon ardent. C’est pourquoi Dieu entendra le premier regard qu’elles lèveront vers lui. Un trône est préparé pour elles à la droite du Père. Dans le royaume de Dieu, la reine et l’impératrice seront heureuses de s’asseoir aux pieds de la rôdeuse de barrières. Car ne croyez pas que la maison céleste soit construite sur le plan humain. Il s’en faut de tout, madame.

Pourtant il concéda qu’il y avait plus d’un chemin conduisant au salut. On pouvait suivre celui de l’amour.