Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/243

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Après un moment de silence, elle répondit avec une lenteur pénible :

— Mon ami, quand j’étais à Paris, pourquoi êtes-vous parti ?

À la tristesse de l’accent, il crut, il voulut deviner un reproche affectueux. Son visage se colora. Il répondit ardemment :

— Ah ! si j’avais prévu ! Cette partie de chasse, au fond, vous pensez bien que je m’en souciais peu ! Mais vous, votre lettre, celle du 27 (il avait le don des dates), m’a jeté dans une inquiétude horrible. Il était arrivé quelque chose à ce moment-là. Dites-moi tout.

— Mon ami, je croyais que vous ne m’aimiez plus.

— Mais maintenant que vous savez le contraire ?

— Maintenant…

Elle resta les bras tombants et les mains jointes.

Puis, avec une tranquillité affectée :

— Mon Dieu ! mon ami, nous nous sommes pris sans savoir. On ne sait jamais. Vous êtes jeune, plus jeune que moi, puisque nous sommes à peu près du même âge. Vous avez, sans doute, des projets pour l’avenir.

Il la regarda fièrement en face. Elle continua, moins assurée :

— Vos parents, eux, votre mère, vos tantes, votre oncle le général, en ont pour vous, des