Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/262

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Ce qui l’inquiétait, c’était la joie sournoise du prince.

— Darling, voulez-vous une place à côté de moi, dans ce cimetière rustique, et que nous reposions l’une près de l’autre sous un peu de terre et beaucoup de ciel ? Mais j’ai tort de vous faire une invitation que vous ne pouvez pas accepter. Il ne vous est pas permis de dormir votre sommeil éternel au pied des coteaux de Fiesole, my love. Il faudra que vous reposiez à Paris, dans un beau monument, à côté du comte Martin-Bellème.

— Pourquoi ? Vous croyez donc, chérie, que la femme doit être unie à son mari, même après la mort ?

— Certainement, elle le doit, darling. Le mariage est pour le temps et pour l’éternité. Vous ne savez donc pas l’histoire des deux jeunes époux qui s’aimaient, dans la province d’Auvergne ? Ils moururent presque en même temps et furent mis dans deux tombes séparées par une route. Mais chaque nuit un églantier jetait d’une tombe à l’autre sa tige fleurie. Il fallut réunir les deux cercueils.

Ayant un peu dépassé la Badia, ils virent une procession qui montait les pentes de la colline. Le vent du soir soufflait sur les dernières flammes des cierges portés dans des chandeliers de bois