Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Maintenant, le dais, les bannières, les voiles blancs avaient disparu dans les lacets du chemin montueux. Mais on voyait encore, sur le crâne nu de Choulette, la flamme du cierge rejaillir en rayons d’or.

Dechartre, cependant, attendait seul dans le jardin. Thérèse le trouva accoudé au balcon de la terrasse où il avait senti les premières souffrances d’aimer. Pendant que miss Bell cherchait avec le prince la place du campanile où elle suspendrait la cloche qui allait venir, il entraîna un moment son amie sous les cytises.

— Vous m’aviez pourtant promis de vous trouver dans le jardin quand je viendrais. Je vous attends depuis une heure qui m’a paru mortelle. Vous deviez ne pas sortir. Votre absence m’a surpris et désespéré.

Elle répondit vaguement qu’elle avait été obligée d’aller à la gare, et que miss Bell l’avait ramenée dans sa charrette.

Il s’excusa de lui montrer un visage inquiet. Mais tout l’effrayait. Son bonheur lui faisait peur.

Déjà on était à table quand parut Choulette, montrant le visage d’un antique satyre ; une joie terrible luisait dans ses yeux de phosphore. Depuis son retour d’Assise, il ne vivait plus qu’avec des gens du menu peuple, buvait toute la journée du vin de Chianti avec des filles et des arti-