Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/279

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un proverbe sensé, mais brutal, et qu’il valait mieux taire.

— Dites-le tout de même.

— Vous voulez que je vous le dise : « Bouche baisée ne perd pas sa fraîcheur. »

Et il ajouta :

— C’est vrai que l’amour conserve la beauté, et que la chair des femmes se nourrit de caresses comme l’abeille de fleurs.

Elle lui mit sur la bouche un serment dans un baiser.

— Je te jure que je n’ai jamais aimé que toi. Oh ! non, ce ne sont pas les caresses qui ont conservé ce peu de charmes que je suis heureuse d’avoir pour te l’offrir. Je t’aime ! je t’aime !

Mais il se souvenait de la lettre d’Or San Michele et de l’inconnu rencontré à la gare.

— Si vous m’aimiez vraiment, vous n’aimeriez que moi.

Elle se leva, indignée :

— Alors, vous croyez que j’en aime un autre ? Mais c’est monstrueux ce que vous dites là. Voilà ce que vous pensez de moi ? Et vous dites que vous m’aimez… Tenez ! j’ai pitié de vous, parce que vous êtes fou.

— Vraiment, je suis fou ? Dites-le-moi. Dites-le-moi encore.