Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/103

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épargner un peu de peine et d’argent, on n’avait pas arraché le petit bas-relief de Silène et des nymphes, du moins l’avait-on peint à l’huile, comme tout l’escalier, avec un décor imitant le granit rouge. Une tradition locale voulait que ce Silène fût le portrait du traitant Pauquet, qui passait pour l’homme le plus laid de son temps et le plus aimé des femmes ; mais M. Bergeret, sans être grand connaisseur en art, retrouvait dans cette figure, à la fois grotesque et sublime, du vieillard divin, un type consacré par les deux antiquités et par la Renaissance. Il se gardait de tomber dans l’erreur commune ; pourtant ce Silène entouré de nymphes ramenait par un facile détour sa pensée sur ce Pauquet qui avait joui de tous les biens de ce monde dans les mêmes murs où lui-même menait une vie ingrate et difficile.

« Ce financier, songeait-il sur le palier, prenait de l’argent au roi qui lui en prenait.