Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peintre qui emmagasine d’immenses et innombrables tableaux dans un pli de son cerveau, il se représentait sans trop d’effort et assez fidèlement les spectacles anciens qui avaient intéressé son regard ; il gardait soigneusement dans l’album de sa mémoire l’esquisse d’un bel arbre, d’une femme gracieuse, qui s’étaient une fois peints sous ses prunelles. Mais jamais image mentale ne lui était apparue nette, précise, colorée, à la fois minutieuse et forte, pleine, compacte, solide, puissante, comme lui apparaissait audacieusement à cette heure M. Roux, son élève, uni à madame Bergeret. Cette représentation, entièrement conforme à la réalité, était odieuse ; elle était inique, en ce qu’elle prolongeait indéfiniment une action d’elle-même fugitive. L’illusion parfaite qu’elle produisait revêtait les caractères d’une obstination cynique et d’une intolérable permanence. Et M. Bergeret, cette fois encore, eut envie de tuer M. Roux, son élève. Il en fit