Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/167

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était sensible à la nature, et pénétrable aux influences de l’espace et de l’heure. Seule dans son lit, elle regardait avec horreur le mannequin d’osier sur lequel, depuis de longues années, elle drapait ses robes, qui, dans les jours d’orgueil et d’insouciance, se dressait, fier, sans tête et tout corps, dans le cabinet de travail de M. Bergeret, et qui maintenant, bancal, estropié, appuyait sa fatigue contre l’armoire à glace, dans l’ombre du rideau de reps lie-de-vin. Le tonnelier Lenfant l’avait trouvé dans sa cour, parmi les baquets d’eau où nageaient les bouchons. Il l’avait rapporté à madame Bergeret qui n’avait pas osé le rétablir dans le cabinet de travail et qui l’avait accueilli, blessé, penchant, frappé d’une vengeance emblématique, dans la chambre conjugale où il lui représentait des idées sinistres d’envoûtement.

Elle souffrait. Un matin, à son réveil, tandis qu’un pâle soleil glissait ses rayons