Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sentiment de haine et de vengeance, et non dans l’intérêt de leurs mœurs.

— Vous oubliez, répliqua M. Mazure, que le moyen âge a connu la philanthropie de l’espèce la plus abominable, la philanthropie spirituelle. Car c’est bien ce nom que mérite l’esprit de la sainte Inquisition. Ce tribunal livrait les hérétiques au bûcher par charité pure. Et, s’il sacrifiait le corps, c’était, disait-il, pour sauver l’âme.

— Il ne disait pas cela, reprit M. Bergeret et il ne le pensait pas. Victor Hugo a cru, en effet, que Torquemada faisait brûler les gens pour leur bien, afin d’assurer, au prix d’une brève souffrance, leur béatitude éternelle. Il a construit sur cette idée un drame tout scintillant d’antithèses. Mais cette idée n’est pas soutenable. Et je ne conçois pas qu’un savant, nourri comme vous de tant de vieux parchemins, se soit laissé séduire par les mensonges du poète. La vérité, c’est que le tribunal de l’Inquisition, en livrant