Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/221

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féconde, éternelle, vraie déesse, comme au temps où les bateliers de la Gaule romaine lui offraient des pièces de cuivre et dressaient en son honneur, devant le temple de Vénus et d’Auguste, une stèle votive où l’on voyait rudement sculptée une barque avec ses avirons. Partout, dans la vallée bien ouverte, la jeunesse timide et charmante de l’année frissonnait sur la terre antique. Et M. Bergeret cheminait seul, d’un pas inégal et lent, sous les ormes du Mail. Il allait, l’âme vague, diverse, éparse, vieille comme la terre, jeune comme les fleurs des pommiers, vide de pensée et pleine d’images confuses, désolée et désirante, douce, innocente, lascive, triste, traînant sa fatigue et poursuivant des illusions et des Espérances, dont il ignorait le nom, la forme, le visage.

En s’approchant du banc de bois sur lequel il avait coutume de s’asseoir dans la belle saison, à l’heure où les oiseaux se