Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/233

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Il était auguste et doux. Il parlait aux petits enfants de sa pauvreté, chaque année, dans les distributions de prix. Et il pouvait se dire pauvre sans se faire de tort, car personne ne le croyait, et l’on ne pouvait douter qu’il ne fût très riche. On connaissait les sources de sa fortune, les mille canaux par lesquels son intelligence et son travail avaient drainé l’argent. On savait ce que lui avaient rapporté toutes les entreprises fondées sur son crédit politique, toutes les concessions assurées par son influence parlementaire. Car c’était un grand député d’affaires, un excellent orateur financier. Ses amis savaient aussi bien et mieux que ses ennemis ce qu’il avait touché au Panama et ailleurs. Sage, jaloux de ne pas fatiguer la fortune, modéré, ce grand aïeul de la démocratie laborieuse et intelligente avait depuis dix ans, au premier souffle de l’orage, renoncé aux grandes affaires ; il avait quitté même le Palais-