Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/3

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scrits bouleversés et tronqués, et ses plumes de fer entr’ouvrant un bec mutilé ! C’était l’effet ordinaire du passage de madame Bergeret dans le cabinet du professeur où elle venait écrire le linge et la dépense. Et madame Bergeret y déposait le mannequin sur lequel elle drapait les jupes taillées par elle. Il était là, debout, contre les éditions savantes de Catulle et de Pétrone, le mannequin d’osier, image conjugale.

M. Bergeret préparait sa leçon sur le huitième livre de l’Énéide, et il aurait trouvé dans ce travail, à défaut de joie, la paix de l’esprit et l’inestimable tranquillité de l’âme, s’il n’avait pas quitté les particularités de métrique et de linguistique, auxquelles il se devait attacher uniquement, pour considérer le génie, l’âme et les formes de ce monde antique dont il étudiait les textes, pour s’abandonner au désir de voir de ses yeux ces rivages dorés, cette mer bleue, ces montagnes roses, ces belles campagnes où