Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/66

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couteau qu’il se taillait des bâtons de voyage et qu’il coupait des branches pour se faire un lit de feuilles, la nuit dans les bois. C’est avec son couteau qu’il sculptait dans l’écorce des chênes des bateaux pour les petits garçons et, dans le bois blanc, des poupées pour les petites filles. C’est avec son couteau qu’il exerçait tous les arts de la vie, les plus nécessaires comme les plus subtils, et qu’affamé sans cesse et parfois ingénieux il pourvoyait à ses besoins et construisait avec des roseaux de délicates fontaines que les messieurs de la ville trouvaient jolies.

Car cet homme, qui ne voulait pas travailler, exerçait toutes sortes de métiers. À sa sortie de prison, il n’avait pu se faire rendre son couteau, gardé au greffe. Et il avait repris sa route, désarmé, démuni, plus faible qu’un enfant, misérable par le monde. Il en avait pleuré. De petites larmes brûlaient, sans couler, ses yeux sanglants. Puis le courage lui était revenu, et, sortant