Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/121

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ce mal et ce bien nous sembleraient petits à les estimer sans superstition, et je doute, monsieur, qu’une loi ou ordonnance puisse avoir l’effet que vous dites. J’en juge par les filles de joie, qui sont à elles seules, en une année, l’objet de plus d’édits qu’il ne s’en rend dans un siècle pour tous les autres corps du royaume et qui n’en exercent pas moins leur négoce avec une exactitude qui tient des forces naturelles. Elles se rient des candides noirceurs qu’un magistrat du nom de Nicodème médite à leur endroit, et se moquent du maire Baiselance[1], qui a formé pour leur ruine, avec plusieurs fiscaux et procureurs, une ligue impuissante. Je puis vous dire que Catherine la dentellière ignore jusqu’au nom de ce Baiselance et qu’elle l’ignorera jusqu’à sa fin, qui sera chrétienne, du moins je l’espère. Et j’en induis que toutes les lois, dont un ministre gonfle son portefeuille, sont de vaines

  1. M. Baiselance ou Baisselance vient beaucoup après Montaigne comme maire de Bordeaux. (Note de l’éditeur).