Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/132

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dans la dépendance des états ou assemblées populaires.

— Ah ! monsieur l’abbé, m’écriai-je, combien j’ai hâte de lire ce livre ! Quand pensez vous qu’il sera écrit ?

— Je ne sais, répondit mon bon maître. Et, à vrai dire, je crois que je ne l’écrirai jamais. Les desseins que forment les hommes sont souvent traversés. Nous ne disposons pas de la moindre parcelle de l’avenir, et cette incertitude, commune à toute la race d’Adam, est chez moi portée à l’extrême par un long enchaînement d’infortunes. C’est pourquoi, mon fils, je désespère de pouvoir jamais composer cette facétie respectable. Sans vous faire sur ce banc un traité politique, je vous dirai du moins comment j’eus l’idée d’introduire dans mon livre imaginaire un chapitre où paraîtraient la faiblesse et la malice des serviteurs que prendra le bonhomme Démos, quand il sera le maître, s’il le devient jamais, ce dont je ne décide point : car je ne me mêle pas de prophéti-