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Ulric ne répondit pas.

— Un malheur ? parle !

— Monsieur, votre épouse, impatiente de vous revoir, a voulu aller au-devant de vous. Le pont de bois s’est rompu et elle s’est noyée dans le torrent avec ses deux enfants.

Laissant le jeune montagnard fou de douleur, ils se rendirent chez M. Miton, et furent reçus au presbytère dans une chambre qui servait au curé de parloir et de bibliothèque ; il y avait là, sur des tablettes de sapin, un millier de volumes et, contre les murs blanchis à la chaux, des gravures anciennes d’après des paysages de Claude Lorrain et du Poussin ; tout y révélait une culture et des habitudes d’esprit qu’on ne rencontre pas d’ordinaire dans un presbytère de village. Le curé Miton, entre deux âges, avait l’air intelligent et bon.

À ses deux visiteurs, qui feignaient de vouloir s’établir dans le pays, il vanta le climat, la fertilité, la beauté de la vallée. Il leur offrit