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Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/148

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LES DIEUX ONT SOIF

importun, Brotteaux, d’humeur sociable et ami des divertissements, accepta.

La citoyenne Élodie avait monté les quatre étages pour embrasser la citoyenne veuve Gamelin, qu’elle appelait sa bonne mère. Elle était tout de blanc vêtue et sentait la lavande.

Une vieille berline de voyage, à deux chevaux, la capote abaissée, attendait sur la place. Rose Thévenin se tenait au fond avec Julienne Hasard. Élodie fit prendre la droite à la comédienne, s’assit à gauche, et mit la mince Julienne entre elles deux. Brotteaux se plaça en arrière, vis-à-vis de la citoyenne Thévenin ; Philippe Dubois, vis-à-vis de la citoyenne Hasard ; Évariste, vis-à-vis d’Élodie. Quant à Philippe Desmahis, il dressait son torse athlétique sur le siège, à la gauche du cocher, qu’il étonnait en lui contant qu’en un certain pays d’Amérique les arbres portaient des andouilles et des cervelas.

Le citoyen Blaise, excellent cavalier, faisait la route à cheval et prenait les devants pour n’avoir pas la poussière de la berline.

À mesure que les roues brûlaient le pavé du faubourg, les voyageurs oubliaient leurs soucis ; et, à la vue des champs, des arbres, du ciel, leurs pensées devinrent riantes et douces. Élodie songea qu’elle était née pour élever des poules auprès d’Évariste, juge de paix dans un village,