Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
LES DIEUX ONT SOIF

dictait leurs sentiments, leurs passions, leur conduite.

Gamelin reçut à son banc une lettre de Trubert, secrétaire du Comité de défense ; c’était l’avis de sa nomination de commissaire des poudres et des salpêtres.


Tu fouilleras toutes les caves de la section pour en extraire les substances nécessaires à la fabrication de la poudre. L’ennemi sera peut-être demain devant Paris : il faut que le sol de la patrie nous fournisse la foudre que nous lancerons à ses agresseurs. Je t’envoie ci-contre une instruction de la Convention relative au traitement des salpêtres. Salut et fraternité.


À ce moment, l’accusé fut introduit. C’était un des derniers de ces généraux vaincus que la Convention livrait au Tribunal, et le plus obscur. À sa vue, Gamelin frissonna : il croyait revoir ce militaire que, mêlé au public, il avait vu, trois semaines auparavant, juger et envoyer à la guillotine. C’était le même homme, l’air têtu, borné : ce fut le même procès. Il répondait d’une façon sournoise et brutale qui gâtait ses meilleures réponses. Ses chicanes, ses arguties, les accusations dont il chargeait ses subordonnés, faisaient oublier qu’il accomplissait