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LES DIEUX ONT SOIF

des condamnés à mort qui attendaient la charrette.

Le ci-devant des Ilettes fut conduit dans un cachot où, à la lueur d’une lanterne, il entrevit deux figures étendues, l’une farouche, mutilée, hideuse, l’autre gracieuse et douce. Ces deux prisonniers lui offrirent un peu de leur paille pourrie et pleine de vermine, pour qu’il ne couchât pas sur la terre souillée d’excréments. Brotteaux se laissa choir sur un banc, dans l’ombre puante, et demeura la tête contre le mur, muet, immobile. Sa douleur était telle qu’il se serait brisé la tête contre le mur, s’il en avait eu la force. Il ne pouvait respirer. Ses yeux se voilèrent ; un long bruit, tranquille comme le silence, envahit ses oreilles, il sentit tout son être baigner dans un néant délicieux. Durant une incomparable seconde, tout lui fut harmonie, clarté sereine, parfum, douceur. Puis il cessa d’être.

Quand il revint à lui, la première pensée qui s’empara de son esprit fut de regretter son évanouissement et, philosophe jusque dans la stupeur du désespoir, il songea qu’il lui avait fallu descendre dans un cul de basse-fosse, en attendant la guillotine, pour éprouver la sensation de volupté la plus vive que ses sens eussent jamais goûtée. Il s’essayait à perdre de nouveau