Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/403

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connais aussi. Une nuit, sur le boulevard, pendant une des manifestations qui suivirent l’élection du triste Loubet, le citoyen Bissolo vint à moi comme au plus constant et au plus généreux de ses ennemis. Nous échangeâmes quelques paroles. Tous nos camelots donnaient. Les cris de : « Vive l’armée ! » grondaient de la Bastille à la Madeleine. Les promeneurs, amusés et souriants, nous étaient favorables. Lançant comme une faux son long bras de bossu vers la foule, Bissolo me dit : « Je la connais la rosse. Montez dessus. Elle vous cassera les reins, en se couchant par terre tout d’un coup, quand vous ne vous méfierez pas ». Ainsi parla Bissolo au coin de la rue Drouot le jour où Paris s’offrait à nous.

— Mais il outrage le peuple, votre Bissolo, s’écria Joseph Lacrisse. Il est infâme.

— Il est prophétique, répliqua Henri Léon.