Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/91

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basque, en bas-breton, en vieil hollandais, en espagnol, en danois, en hébreu, en grec, en latin, et en bas-allemand, avant de la demander en français. On pourrait y découvrir la sottise des gens d’esprit qui veulent tout compliquer. C’est plutôt une fantaisie sans conséquence du bon Rabelais qui s’amuse. Avouons qu’il s’amuse ici un peu étourdiment, puisqu’il nous montre ce studieux et docte Pantagruel n’entendant pas le latin de Panurge qui pourtant est assez bon. Mais il fallait faire passer toutes les langues connues et inconnues avant la française et maternelle que Panurge parle excellemment, car il a été nourri jeune au jardin de France. C’est Touraine !

Les façons de Panurge ne déplaisent nullement à Pantagruel qui se prend d’une soudaine amitié pour l’inconnu et lui dit un peu vite :

— Par ma foi ! Si vous condescendez à mon vouloir, vous ne bougerez jamais de ma compagnie, et vous et moi ferons une nouvelle paire d’amis, comme Énée et Achates.

Pantagruel qui, par bonheur, n’était plus trop grand pour passer sous une porte (nous savons que Rabelais l’allonge et l’accourcit à sa volonté) annonce, un jour, qu’il est prêt à soutenir une discussion contre tout venant. Ces sortes de défis étaient fréquents entre savants. Pic de la Mirandole, à vingt-trois ans, disputa de omni re scibili. Pantagruel, aussi jeune et non moins docte, afficha neuf mille sept cent soixante-quatre