Page:Ancelot - Les salons de Paris : foyers éteints.djvu/101

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gâtée, l’infortune ne l’abattit point. Mais c’était une femme dans l’acception frivole du mot. Son humeur et ses goûts variaient à l’infini ; l’impression du moment la prenait tout entière, et elle passait du chagrin à la joie avec la vivacité et la naïveté d’un enfant ; je n’ai jamais vu une maison où il y eût en même temps plus de gaieté et plus de tristesse. Un soir, on riait de bon cœur, et la duchesse était joyeuse entre tous ; quand la conversation languissait, elle avait quelque bonne histoire bien drôle sur des femmes de la cour impériale, et jamais une verve plus intarissable n’avait fait jaillir de ses paroles de plus folles plaisanteries ; on en oubliait l’heure du thé, qui se prenait d’ordinaire chez elle à onze heures. Ce soir-là, minuit avait sonné depuis longtemps, lorsqu’on s’assit autour de la table. Et pourquoi ce long retard ? C’est que, le matin même, le besoin d’argent s’était fait sentir d’une façon tellement impérieuse, que l’argenterie tout entière avait été mise en gage, et, au moment de prendre le thé, on s’était aperçu que, des petites cuillers étant de première nécessité, il fallait en aller emprunter à une amie.