Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit pour la consoler que plus je criais étant enfant, mieux je chanterais plus tard.

« Notre petite chambre que le lit, le fauteuil et les outils de mon père remplissaient presque entièrement, voilà le palais qui abrita mon enfance. Les murs en étaient couverts d’images. Au-dessus de l’établi étaient suspendues des planches portant des livres et des cahiers de chansons. Dans la petite cuisine, il y avait beaucoup d’assiettes et de plats brillants. De là, par une échelle, on montait sur le toit, où, contre la gouttière, tout en face de la maison voisine, une grande caisse pleine de terre formait tout le jardin maternel : il fleurit encore aujourd’hui dans un conte : la Reine des neiges.

« Je fus le seul enfant de mes parents, et je fus gâté autant qu’il est possible de l’être. Ma mère me dit combien mon enfance était plus heureuse que ne l’avait été la sienne : j’étais presque traité aussi bien que le fils d’un comte, tandis que ses parents l’avaient forcée, avec des coups, à aller mendier ! Elle n’avait pu d’abord s’y résoudre ; elle était restée tout un jour sous un pont à pleurer. J’ai tracé le portrait de ma mère dans la vieille Dominica de l’Improvisateur et dans la mère du Violonneux[1].

« Mon père me laissait faire toutes mes volontés. Je possédais toute son affection ; il ne paraissait vivre que pour moi. Les dimanches il s’amusa à me construire un petit théâtre ; il me découpa des décors qui étaient mobiles et qui pouvaient même changer à vue. Il me lisait des scènes des comédies de Holberg et des contes des Mille et une Nuits. Ce

  1. Ce sont deux romans d’Andersen.