Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/19

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                     De ses yeux un rayon vainqueur !
            Peut-être reste-t-il encore une espérance…
            Mais non, non, je suis pauvre, et tout me fait la loi
            De gémir à l’écart, de souffrir en silence.
                     Seigneur, tout est fini pour moi !

            Dans mon malheur, hélas ! je n’ai qui me console
            Que ces vers où mon âme en ses regrets s’isole.
            Puissent-ils quelque jour à tes yeux arriver,
                     Ô de mon enfance embaumée
                     Compagne toujours bien-aimée !
                     Et qu’ils te fassent retrouver
            Des jours si doux pour moi, pour toi même peut-être,
            Où ton affection naïve me combla
            D’un bonheur que jamais je ne dois voir renaître…
                     Seigneur, Seigneur, bénissez-la !

Ce sont là des vers comme on a le droit d’en faire quand on est amoureux, mais qu’on se garde bien de livrer à la publicité, pour peu qu’il vous reste de bon sens.

Lieutenant, amoureux et pauvre ; quel affreux assemblage ! quelle amère dérision du sort ! Le lieutenant ne se dissimulait pas cette vérité. Il appuya sa tête sur la barre de la fenêtre et poussa un long soupir.

— Le pauvre gardien qui dort là-bas dans la rue sur cet escalier n’est-il pas mille fois plus heureux que moi ? Il ne connaît pas ce que moi j’appelle la misère. Il a une femme et des enfants qui rient et qui pleurent avec lui. Il ne se tourmente pas l’esprit, il prend la vie comme elle est, philosophiquement. En vérité, je voudrais être à sa place.

Aussitôt le gardien de nuit redevint lui-même. Sa position qu’il avait dédaignée quelque temps auparavant lui parut meilleure.