Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/94

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grecque ? Et comment le chœur de ces satyres scurriles était-il propre à servir cette émotion religieuse que Pisistrate constatait en son temps et pour laquelle il institua la fête des grandes Dionysies ? Philoxène et Timothée ont créé, dit Wilamowitz, tout un nouveau dithyrambe, appelé ainsi par abus, parce qu’il supplante bientôt toute l’ancienne poésie chorique. Son effet était surtout musical. (Mais Nietzsche ne l’avait-il pas dit ?) Les représentations en étaient mimées. Puis, Thespis, en 534, introduisit le premier comédien. Chez lui, le chœur reprit par surcroît la coutume ionienne de réciter. Mais que récitait-il ? C’est ce que Wilamowitz laisse dans l’obscurité. Accordons que le récitant ait été le poète lui-même. Il parlait en vers iambiques selon la coutume introduite par les récitants ioniens depuis Archiloque. Et de toutes les hypothèses de Wilamowitz, il n’y en a peut-être pas de plus ingénieuse que celle qui fait appel au vers populaire attique, c’est-à-dire au vers iambique, pour expliquer la forme du récit dialogué dans la tragédie athénienne[1].

Le chœur lyrique, au contraire, était de forme dorienne, comme tout le lyrisme grec. Mais le récitant avait-il nécessairement une figure de satyre, comme l’a cru Wilamowitz ? Comment alors en est-il venu à exposer des récits étrangers à Dionysos ? Wilamowitz explique à merveille qu’un genre littéraire soit né, où un récit de forme ionienne s’intercalait entre des chœurs doriens ; et ç’a été là la tragédie. La naissance pourtant de la tragédie attique, après qu’on a lu Wilamowitz, demeure mystérieuse comme reste mystérieux le choix de ses thèmes dramatiques.

Il faut relire dans le texte cette belle construction. On hésite à ne lui faire que des objections de sens commun

  1. Wilamowitz, Commentarius metricus, II, Programme de Göttingen, 1896, p. 32 sq.