Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/75

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Même ayant désappris à se servir du glaive ;
Nous sommes enfermés dans un charnier…


Le Guerrier.

Ton rêve,

Ô bon vieillard, s’étend moins loin que tu ne crois !
Quels longs et sombres temps encor semés d’effrois,
De batailles, de chocs et de chutes de races,
De dévastations de pays ! Quels espaces
De durée, où le lourd marteau du forgeron
Frappe un fer qui n’est pas forgé pour le sillon,
Où les camps claironnants élèvent leurs fumées !
Et même à l’horizon des siècles, des armées
Se heurtent en hurlant ; des soleils, près desquels
Le nôtre est un enfant, voient toujours ces duels
Qui noircissent les airs et rougissent les fleuves.
Ils entendent toujours le même cri des veuves ;
Et du sang coule encor au fond de l’avenir.


Car tu n’as pas vécu, vieillard, sans réfléchir
Que ce monde est couvert de multitudes sombres,
Dont les âmes n’ont rien de la nôtre ; leurs nombres,