Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/80

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Agissent comme un être unique et formidable,
Qui lasse l’advcrsaire et tout à coup l’accable,
Comme en un jeu précis, joué par l’ouragan !
Et si ce long propos ne t’est pas fatigant,
Écoute encor, vieillard ; il faut à cette foule
Un chef dont le dessein par elle se déroule,
Un chef qui la connaisse et dont il soit connu,
Un homme au long vouloir, au labeur continu,
Qui sache les pays jusqu’aux moindres vallées,
Qui, sur des régions sans cesse contemplées,
Fait planer un coup d’œil qui ne s’endort jamais,
Qui vit dans la clarté d’invisibles sommets,
Un homme qui connaît l’âme et le caractère,
L’obscur entêtement, la fougue passagère
Des peuples, et prévoit ce qu’ils peuvent d’effort,
Les uns jusqu’aux revers, d’autres jusqu’à la mort ;
Un homme aux sûrs regards, minutieux et vastes,
Qui domine les jours glorieux ou néfastes,
Calme dans les succès, calme dans les reculs,
Jetant tous les hasards dans de nouveaux calculs,
Et brisant ces calculs dans des coups de génie
Dont l’éclair les dissipe ou bien les remanie ;
Un chef tel qu’il ait droit d’imposer des hauts faits,
Un chef qui sache aussi le moment de la paix !