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vie. A cette époque , il souffrait presque constamment , le soir, d'une sourde migraine, qui, à une période ultérieure de sa vie , se changea en palpitations du cœur et en menaces de faiblesses et de suffocations dans le lit, pendant la nuit. ^ »

Il est impossible, en lisant ces lignes, de ne pas voir tous ces enfants, garçons et filles, le père, la mère, la famille entière s'épuisant sur ce sol méchant, pendant des journées où l'acharnement au travail étourdit sur son inutilité, puis rentrant le soir exténuée, hâve de fatigue , et s'asseyant à un maigre souper qui calme à peine la faim et ne refait pas les forces. On devine une vie qui épuise les tempéraments , décharné les muscles et durcit les traits. On y sent surtout ce découragement progressif du paysan, quand sa ruine semble se tramer dans la solitude des champs, qu'il a contre lui, avec le mauvais vouloir delà glèbe, les contrariétés fourbes des saisons , et que son travail, sans récompense, prend vraiment le caractère d'un châtiment.

C'est à travers ces anxiétés et ces privations que se fit l'éducation de Robert Burns et de son frère. Elle mérite qu'on s'y arrête avec respect, car elle forme un des touchants chapitres de l'admirable histoire de l'instruction populaire en Ecosse. Rien n'est plus curieux et plus beau que les efforts de ce petit peuple, si pauvre cependant, si durement éprouvé par le climat, les guerres étrangères et les discordes civiles, vers une éducation, a Dans presque toutes les périodes de l'histoire de l'Ecosse, dit J. Hill Rurton, tous les documents qui traitent de la condi- tion sociale du pays révèlent un système d'éducation (machinery for édu- cation) toujours en avance sur les traces de l'art ou des autres éléments de civilisation. ^ »

Ce que l'Ecosse a eu d'original, ce n'a pas été ses quatre Universités, bien qu'elles fussent nombreuses , eu égard à la population , et libé- ralement ouvertes à tous ; ce n'était pas même ses écoles de gram- maire, qui existaient dans toutes les villes de quelque importance; ces mêmes institutions se retrouvaient en Angleterre, plus riches et plus répandues. Ce qui a fait l'Ecosse ce qu'elle a été, ce qui a tiré de cette maigre population un nombre considérable d'hommes illustres, un nombre incalculable d'hommes distingués, a été son système d'éduca- tion primaire. Elle avait organisé l'instruction universelle que notre âge croit avoir découverte. Dès 1560, les rédacteurs du Premier Livre de Discipline proposaient qu'une partie des biens du clergé fût appliquée à l'éducation nationale. « Attendu que tous les hommes venaient ignorants au monde et que Dieu avait cessé de les éclairer miraculeusement, un

1 Gilberl's Narrative.

2 J. Hill Burton. The History of Scolland, tome III, p. 399.