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Et les tavernes, les vieilles tavernes d'Edimboiir;?, innombrables elles aussi ! Perdues au fond des cours, éparses dans les étroites ruelles, blotties au pied de ces immenses maisons, ressemblant souvent à des caves, on les trouvait partout. N'ayant jamais un rayon de soleil, basses, sombres , sales , gluantes et puantes du relent des boissons , elles sem- blaient ainsi plus retirées et plus confortables ^ Elles étaient un des organes de la vie publique. C'est là que se commentaient les nouvelles et que se faisaient toutes les affaires. Il n'y avait pas si longtemps que les médecins y donnaient leurs consultations. Les plus grands avocats et les plus grands légistes de l'époque y donnaient encore les leurs ^. Il était inutile de chercher un homme de loi chez lui ; on n'y songeait pas. Il fallait découvrir sa taverne oii on le trouvait au milieu de papiers et de clients 3. Quand une affaire était conclue, on faisait apporter à boire, comme aujourd'hui nos paysans aux francs-marchés. On y buvait du claretpris au tonneau, du porter, de l'aie d'Edimbourg, sorte de liquide épais et puissant dont on ne pouvait guère dépasser une bouteille*, et du cappie aïe, servie dans des coupes de bois et sur laquelle on mettait un petit chapeau d'eau-de-vie ^. Le soir était le grand moment des tavernes. Ceux qui veulent en avoir une description fidèle n'ont qu'à relire les chapitres de Guy Mannering, consacrés à l'avocat Paul Pleydell.

Les dames, les dames elles-mêmes, je dis les dames de la haute société, n'échappaient pas à la contagion '. Toutes, sans doute, n'allaient pas aussi loin que les trois dont Chambers raconte l'histoire. Elles avaient eu dans une taverne, près de la Croix, une réunion joyeuse qui s'était prolongée tard. Quant elles en sortirent, il faisait beau clair de lune. Elles montèrent bravement la Grand'rue, jusqu'à l'endroit oii le clocher de l'église de la Troon jetait en travers son ombre noire. Quel était cet obstacle? Elles s'imaginèrent que c'était une rivière. Les voilà assises sur la berge de l'ombre, retirant leurs chaussures et leurs bas. Puis, relevant leurs jupes, elles traversèrent, avec précaution, le flot sombre et, arrivées sur l'autre rive, se rassirent, remirent leurs souliers et continuèrent leur chemin, se réjouissant d'avoir si bien passé le gué '. Elles ne furent pas probablement les seules, car M. Charles Kirkpatrick

' R. Chambers. Traditionx . p. 1*74, et aussi la descriptioa de la taverne daus Guy Mannering.

2 Henry Erskine and His Times, bj lieut.-col. Alex. Fergusson, p. 161; et Ch. Rogers, Scolland Social and Doineslic, p. 36.

3 Voir l'ouvrage plein de curieux reaseignements : Notices and Anecdotes illustrative of Sir Waller Scolt'.'< Novels, chapitre sur Guy Mannering.

'* R. Chambers. Traditions, p. 184. — Voir aussi sur cette forte bière, Erskine and lits Times, p. 161.

5 R. Chambers. Traditions, p. 158.

6 Voir sur l'ivrognerie chez les dames : Hill Burton, History of Scotland, tom Vil. p. 93.

^ R. Chambers. Traditions, p. 159.