Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 310 -

Les monticules qu'elle a semi^s en hâte et sans soin ,

Les arches du ponl qui franchit la jeune rivière, Le village scintillant dans le rayon d'après midi...

Des ardeurs poétiques fjouflent mon sein,

Quand j'erre près de la hulte moussue de l'ermite,

Dans un vaste théâtre de bois suspendus,

Au rugissement incessant de ruisseaux qui trébuchent follement...

Ici la Poésie peut éveiller sa lyre céleslement inspirée, Et, avec une ardeur créatrice, regarder dans la nature;

Ici, à moitié reconcilié avec les injustices du sort. Le Malheur, d'un pas plus léger, peut errer sauvagement,

Et la Désillusion , dans ces limites solitaires ,

Trouver un baume qui adoucisse ses anières blessures;

Ici le Chagrin, frappé au cœur, peut vers le ciel tourner ses yeux,

Et la Vertu calomniée oublier et pardonner aux hommes *.

Il n'a donc pas compris les paysages à aspects généraux. Si quelque partie l'a frappé, c'est la partie moyenne de la route, le district tourmenté de Kenmore à Blair Athole , un paysage à accidents séparés , à épisodes bruyants et un peu mélodramatiques, conmic les chutes d'eau, les cascades. Et l'on en discerne bien les raisons ; son âme n'était pas une de ces âmes à rêveries prolongées, qui se nourrissent de contemplations uniformes; c'était une âme à émotions brusques, à secousses vives, que devaient prendre bien plutôt des sites saisissants. Cette préférence même indique un esprit peu pénétré des inlluences profondes de la nature. C'est le goût ordinaire des touristes. Mais même sur ce point-là, il est facile de voir quelle appréciation étroite il avait de ce genre de beautés. On a de lui des pièces inspirées par quelques-uns de ces sites. Il suffît d'aller les lire sur les lieux mêmes pour comprendre le peu de rapport qu'elles ont avec eux.

Un des endroits qu'on visite, lorsqu'on descend du loch Tay dans la direction de Dunkeld, sont les fameuses chûtes de Monessou d'Aberfeldy. Elles tombent par une gorge rocheuse, longue de plus de deux milles. Au fond de hautes parois à pic, bondissent, blanchissent et bruissent les eaux. Mais ce ne sont pas elles qui font la propre beauté de ces lieux ; c'est la végétation qui enferme ces chûtes sous une voûte continue et épaisse. Un monde d'arbres et d'arbustes, de sapins, de frênes, de noise- tiers, de bouleaux, s'est emparé des deux bords et s'est logé dans toutes les fissures. Ils se penchent, se touchent et se croisent au-dessus de l'abime, en sorte que les cascades supérieures coulent derrière des voiles de branches. Des mousses , des lierres , des plantes traînantes, tapissent les côtés, y pendent en plis touffus ; les parois sont creusées de mille petites

1 Verses wrillen ivilh in Pencil over Ihc chimney-piece, in the Parlour of the Inn at Kenmore, Taymoulh.